Abstract
Depuis la fin du XXe siècle, le modèle français de production agricole est remis en question : construit pour augmenter la productivité par hectare et par travailleur, il est maintenant reconnu en partie responsable de la dégradation de l’environnement et de la santé des travailleurs agricoles (Meynard, Dedieu, & Bos, 2012 ; Millenium Ecosystem Assessment, 2005). Dans ce contexte, il existe une volonté de promouvoir une agriculture qui permette une production agricole économiquement viable, socialement équitable, et ne nuisant ni à l’environnement ni à la santé. Aller vers une telle agriculture implique de profonds changements, notamment une reconfiguration des situations de travail et des conditions d’exercice des métiers des acteurs du monde agricole, et en particulier des agriculteurs (e.g. Coquil, 2014). En effet, si les agriculteurs ont toujours été confrontés à un environnement de travail ouvert et dynamique (Cerf & Sagory, 2004), la révolution agricole qui a suivi la Seconde Guerre mondiale a cherché à atténuer cette spécificité. L’usage de pesticides, d’engrais chimiques, de l’irrigation, l’amélioration des variétés et leur adaptation à ces produits a permis un contrôle des facteurs de production et l’obtention de rendements stables et élevés. Revenir aujourd’hui à une forme d’agriculture qui favorise des régulations naturelles, dite agroécologique, réexpose les agriculteurs à de l’incertitude, du non-contrôlable, des phénomènes complexes sur lesquels ils ne disposent pas forcément de connaissances stabilisées. Qui plus est, si des connaissances scientifiques existent pour aborder ces questions, elles sont souvent très partielles, et parfois font l’objet de controverses au sein du monde scientifique. Il ne s’agit donc pas, ou pas seulement, de favoriser la transmission de ces connaissances scientifiques. Par ailleurs, même s’il existe des agriculteurs qui ont déjà mis en place une pratique agroécologique, il ne s’agit pas non plus uniquement de transmettre leur expertise à d’autres. Pourquoi ? Parce que tout dépend du projet de vie et de travail de l’agriculteur, des moyens de production dont il dispose, des conditions pédoclimatiques de son exploitation, des possibilités de commercialisation, etc. Pour réussir sa transition professionnelle, chaque agriculteur doit donc revoir en profondeur son activité pour combiner de façon renouvelée son projet, ses moyens de production, ses débouchés, ses modes d’action.
See all documents refering Cortext Manager